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 Énigmatiques ? Indifférentes ? Hypnotiques ? On pourra  épuiser tous nos adjectifs,      
face aux visages peints par Roos Campman, nous ne viendrons pas à bout du 
trouble insondable qu'ils provoquent chez le spectateur. 
C'est un trouble intime qui nous attache à ces portraits. Ils envahissent toute la toile, 
comme pour nous obliger à une rencontre : mais au moment du face à face, 
ils semblent se détourner de  nous. Intime, car l'expérience du dévisagement suscite 
en nous un écho profond, fait résonner une note différente à chaque nouveau regard.
 Ce sont nos propres émotions, les inflexions de nos âmes qui vont animer ces geishas 
seulement en apparence neutres. Aussi paradoxal que cela paraisse, c'est justement 
cette impassibilité qui permet la véritable rencontre.
Les couches picturales subtiles et transparentes, grâce à la technique de la tempéra 
à l'oeuf utilisée par Roos Campman, deviennent alors la métaphore de l'infinie 
stratification de nos états d'âme, de la superposition de nos souvenirs, la densité de 
notre vécu. Il surgissent tour à tour comme les couleurs insaisissables des chairs 
suivant l'humeur inconstante des lumières. 
 "La relation avec le visage peut certes être dominée par la perception, - dit le 
philosophe Emmanuel Lévinas - mais ce qui est spécifiquement visage, c'est ce qui 
ne s'y réduit pas. Il y a d'abord la droiture même du visage, son expression droite, 
sans défense. 
La peau du visage est celle qui reste la plus nue, la plus dénuée. La plus nue, bien 
que d'une nudité décente. La plus dénuée aussi: il y a dans le visage une pauvreté 
essentielle."
 Cette même apparente pauvreté que nous livre Roos Campman en déclinant, 
avec une économie de moyens pleine d'arrière pensées, les attributs de ses portraits.
Sobre, jamais narrative, explorant avec minutie l'univers minuscule d'une relation 
éphémère, celle d'un visage avec une fleur, un parasol à peine suggéré, 
un flocon de neige, la peinture de Roos Campman crée un espace poétique 
d'une ampleur inattendue.
 C'est à un voyage silencieux, à une rêverie patiente qu'elle nous invite : un voyage 
aux antipodes des clichés du Soleil Levant mais au coeur d'un Orient Intérieur                       
plus secret, puissant.
 
                                                                                                                             
Carlo ROCCELLA
6 décembre 2010
	
Texte écrit par Carlo Roccella.
Venu de Toscane, Carlo Roccella occupe une place à part dans le verre architectural.
Après une formation universitaire de linguiste et différents emplois dans l'édition et 
l'organisation de spectacles, il investit le verre à partir du milieu des années '80.
Aussitôt il affirme un langage original : artiste verrier, chercheur de formes et de 
textures, passionné d'architecture, il interroge toutes les techniques et toutes les lumières. 
 
www.vitrail-architecture.com